Bilan de la réunion publique sur les zones humides

La réunion s’est tenue le 19 février à 10h à la salle du Manège à Hesdin. Des élus étaient présents pour discuter du sujet des zones humides sur le bassin versant de la Canche.

Plusieurs thèmes ont été abordés :

  • Les causes de la disparition des zones humides
  • Les fonctions et les services que rendent les zones humides
  • Les solutions pour lutter contre cette disparition
  • Les activités possibles en zone humide

Introduction de la réunion publique par Mr TETARD et Mme DRAIN

” Les zones humides représentent seulement 6% de la surface terrestre du globe et depuis un siècle, nous en avons perdus 50% et sur ces 50% qui restent, seulement 41% sont efficaces “

Ghislain TETARD, Président de la CLE de la Canche

” L’enjeu de la commission Communication de la CLE est que les zones humides ne soient plus perçues comme une contrainte à l’aménagement du territoire mais comme une opportunité à renforcer l’attractivité du territoire “

Blandine DRAIN, Présidente de la Commission Communication de la CLE de la Canche

Le contexte de la réunion publique

Le forum des marais atlantique (FMA) est un syndicat mixte spécialisé sur les zones humides depuis plus de 20 ans. Antoine Leroux est responsable de l’antenne “Marais Atlantiques, Manche et Mer du Nord” basé à Saint-Omer (62).

Cette réunion publique intervient dans le cadre des journées mondiales des zones humides (JMZH). Cette journée est célébrée chaque année le 2 février pour commémorer la signature de la Convention sur les zones humides (Convention de Ramsar).

Une zone humide, c’est quoi ?

La définition par la convention de Ramsar :

« Étendues de marais, de fagne, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres »

La définition des zones humides en droit français :

« des terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année » (article L.211-1 du Code de l’environnement)

Vidéo de l’agence de l’eau Mediterrannée Corse

La disparition des zones humides
– Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts
– En 300 ans, 87% des ZH ont disparu. Au cours du siècle dernier, disparition de plus de 60% des zones humides en Europe et dans le monde. Tendance à la baisse depuis 2010
– Moins de 20% des zones humides sont protégées dans le monde
– 1/7ème de la population mondiale dépend directement des zones humides
– Plus de 25% des espèces des zones humides sont en danger d’extinction
– 50% des oiseaux, 30% des espèces végétales remarquable et menacées, 100% des amphibiens, dépendent des milieux humides.
Les causes de cette disparition
– Urbanisation et routes : 60.000 ha/an soit un département tous les 10ans, imperméabilisation, drainage, remblaiements et ruptures des continuités.

– Intensification de l’agriculture / aquaculture : progrès technologiques, politiques d’aménagements rural, assèchement par drainage, politique grande culture et suppression des haies, retournement des prairies, abandon de l’élevage, fermeture des milieux, eutrophisation (apports excessifs d’engrais. Pour l’aquaculture, détournement des cours d’eaux, modification des dérives sédimentaires sur le littoral.

– Intensification de la production forestière : peupleraies, arbres gros consommateurs d’eau

– Aménagements des cours d’eau : quasiment plus aucun cours d’eau « naturels ». La plupart des CE ont fait l’objet de profondes modifications par l’homme. Par conséquent : accélération des débits, déconnexion latérales et assèchement des ZH riveraines, ruptures des continuités écologiques.

– Aménagements portuaires : modification dérive sédimentaire, mauvais renouvellement de l’eau, + pollutions diverses

– Prélèvements d’eau : pour les activités industrielles et agricoles sans se soucier des réels besoins des milieux humides en eau (difficilement quantifiables) + période de sécheresse, on accentue le stress hydrique sur le milieu humide.

– Extraction de matériaux : accélérations des débits, remise en suspension de MES + polluants

– Pollutions industrielles : pollution de l’Escaut tout récemment

– Espèces exotiques envahissantes : principale cause de l’érosion de la biodiversité (Baccharis, renouées, jussie, lentille d’eau). 88% des sites de métropoles ont été concernés par la problématique des EEE (cf évaluation nationale des sites humides emblématiques.

Les fonctions et services des zones humides
Les fonctions
Fonctions Hydrologiques
• Régulation du cycle de l’eau
– Stockage de l’eau (éponges naturelles) : débordements des cours d’eau + ruissellements : certaines ZH stockent jusqu’à 15000m3 d’eau par hectare
– Redistribue cette eau de manière progressive homogénéisant les débits des cours d’eau
– Rechargement des nappes phréatiques, échanges avec le sol et l’atmosphère
• Alimentation en eau des écosystèmes
– Avoir de l’eau en quasi-permanence et apport de minéraux permettant d’avoir un développement des plantes et d’animaux.

Fonctions physiques et biogéochimiques
– L’eau apporte et dépose de grandes quantités de matières organiques et minérales (sable, limon, nitrates, pesticides, matière organique, etc.), qui vont être soit être stockées, déplacées ou transformées.

– Les végétations (racines) => bloquer la matière donc diminuer l’érosion des sols.

– Les ZH = filtre naturel, pour les particules, la MES, l’azote, le phosphore et le carbone. Ainsi l’eau en sortant de la zone humide est filtrée, épurée (question de temporalité)

Fonctions biologiques
Les zones humides sont des espaces d’une richesse biologique exceptionnelle, lié à la présence de l’eau et des différentes fonctions précédentes.
Ce sont les espaces les plus productifs de la planète. Ils ne représentent qu’une toute petite partie de la surface de la planète (6.4%) pourtant ils sont 2 à 3 fois plus productifs que l’ensemble des forêts (estuaires, marais, champs d’algues, herbiers).
La complexité des milieux, la nature du sol, les variations de présence de l’eau nécessitent de nombreuses adaptations des espèces. Par conséquent on a une diversité écologique importante : inter et intra spécifique.
Les services
« La notion de fonction est également couramment assimilée au service. Le service est pourtant la perception humaine de l’effet et de la résultante de la fonction. Par exemple, la fonction « épuration des eaux » est en réalité le produit et sa perception par la société (le service rendu) de la fonction « rétention des nutriments » »
(Rapin A., et al., 2021)
Service : « bénéfice que les humains obtiennent des écosystèmes directement ou indirectement, pour assurer leur bien-être » (Millenium Ecosystem Assessment 2005)
Services écosystémiques : appréciés par l’évaluation économique des services rendus par les écosystèmes en termes de coût-bénéfice et mêlant à la fois des éléments d’économie, écologie et sociale (Costanza et al. 1997, 2014).

Les services d’approvisionnement
Les zones humides fournissent des produits indispensables à la société tels que :
– L’eau : les zones humides alimentent les nappes et les cours d’eau. Cette eau va être mobilisée pour la consommation d’eau potable et les activités industrielles et agricoles.
– Les matières premières / biens : les ZH fournissent divers produits liés à la grande production de biomasse : bois, roseaux, tourbe, herbage, pâturage, riz, fruits, légumes, poissons, coquillages, etc.
50 à 66% des milieux humides français ont un usage agricole.
2/3 au moins de tous les poissons consommés dans le monde dépendent des milieux humides.

Les services de régulation
Les zones humides nous protègent :
– Épuration de l’eau : les ZH jouent un rôle tampon, capables de purifier l’eau en piégeant ou transformant les éléments (nitrates, phosphates + polluants : Absorbent 16% de l’azote et 30% des MES). Ils jouent un rôle sanitaire important dans la qualité des eaux, notamment de baignade. Les dommages annuels liés à la pollution de l’eau (surcoût du traitement, perte de production, coûts de santé…) sont estimés à plus de 3 milliards d’€.
– Inondations : les ZH jouent un rôle de réservoir naturel, capables de stocker rapidement de grandes quantités d’eau. Ils diminuent ainsi l’intensité des crues. Les zones d’expansion des crues (prairies inondables) se situent à proximité des cours d’eau. La végétation protège les berges et les rives. Les dégâts causés par les inondations en France s’élèvent en moyenne à 265 millions d’€ par an.
– Sécheresses : les ZH soutiennent les débits des cours d’eau en période d’étiage. Ils redistribuent l’eau toute l’année. Les zones humides en bon état restent humides pratiquement toute l’année (pâturage, cultures, mais à nuancer)
– Changement climatique : Les ZH sont les puits de carbone les plus efficaces de la planète (tourbières, mangroves, marais, herbiers marins). Les ZH influent le climat aussi localement par les phénomènes de transpiration des végétaux.
Focus sur les tourbières : les tourbières sont les puits de carbone les plus efficaces de la planète. Elles ne couvrent que 3% de la surface de la planète mais captent 2 fois plus de carbone que l’ensemble des forêts du monde (30%). Si on donnait une valeur au carbone contenu dans le sol des tourbières, un hectare vaudrait environ 150.000€. ATTENTION, les tourbières sont des milieux qui mettent plusieurs décennies voire siècles à se mettre en place. L’accumulation de tourbe est un processus très lent (quelques millimètres par an). Leur dégradation par contre à des répercussions, assèchement des tourbières = minéralisation = relargage du CO2 dans l’atmosphère ? 1ha de tourbière dégradée = 25T de CO2/an.

Les services culturels et sociaux
Les zones humides regorgent de vie :
– Lieu de départ de grandes civilisations : Les estuaires, les deltas et les rivières ont accueilli ports et places commerciales depuis des millénaires. : exemple vallée du Nil
– Lien entre la présence de l’Homme et les zones humides : grandes villes, proximité de l’eau et des zones de production est une richesse/ressource
– Espace de loisirs et de partage : la qualité paysagère des ZH n’est plus à démontrer. L’intérêt des ZH pour les randonnées, les balades du dimanche, la pêche de loisirs, la chasse, certains sports aquatiques, etc.
? Cela génère une activité touristique importante et toute une économie parallèle

Les activités possibles en zones humides
– Découverte, balades, véritable besoin de reconnexion à la nature (post-confinement)
– Loisirs (chasse, pêche)
– Agriculture raisonnée (extensif, pâturage)
? Pour préserver durablement les zones humides, il faut être raisonnable sur les activités et les usages.